samedi 5 mai 2012

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dernier jour du blog.
je cite deux personnes: Vladimir Nabokov et Harry Gruyaert.
je glisse un poème non signé, trouvé dans une expo photo de la galerie Le lieu à Lorient, intitulé:

"Le rien

Je ne suis rien
je ne puis rien
je ne vaux rien
je ne mérite rien
l'on ne me doit rien
au rien il ne faut rien
le rien ne doit valoir aucune chose
le rien ne peut rien
le rien ne veut rien
le rien n'est bon à rien
le rien n'est digne de rien
le rien doit demeurer à rien
le rien ne se plaint de rien
le rien ne s'offense de rien
le rien ne s'étonne de rien
le rien ne se trouble de rien
le rien n'est propre à rien
le rien n'ambitionne rien
le rein ne méprise rien
le rien ne demande rien
le rien ne considère rien
le rien ne se contente de rien
le rien ne prétend à rien
le rien ne s'approprie rien
le rien ne prend goût à rien
le rien ne désapprouve rien
le rien n'est blessé de rien
le rien n'envie rien
le rien ne s'incommode de rien
le rien ne prend part à rien
le rien ne soutient rien
le rien ne tient à rien
le rien ne scandalise rien
le rien ne s'empresse de rien
le rien ne juge ni ne condamne rien
le rien ne se prive de rien
le rien ne craint rien
le rien ne désire rien
le rien n'appréhende rien
le rien ne se chagrine de rien.
rien partout
rien en tout."




vendredi 4 mai 2012

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Une scène de théâtre délocalisé en plein air. La tente grise en guise de chapiteau. Les portes closes sauf celle des artistes pour apporter les costumes vieux, décolorés pendus aux cintres, déplacés sur un portant qui ne rentre pas facilement par l’accès étroit. Un coup d’œil profitant de la maladresse pour apercevoir des gradins aux fauteuils luxueux, rouge sang. Puis, rien. Imaginer l’intérieur plein de bruissements, chuchotements rompus par les trois coups à terre. L’enfance, l’école, la pesanteur de spectacles longs qu’on s’efforce de suivre, l’artifice toujours là qui empêche d’entrer dedans. Une dimension en moins ou en trop. Le rejet pour de nombreuses années, le malaise évité.

jeudi 3 mai 2012

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C’est une vidéo d’une révolution passée qui a mis fin à une dictature. Les événements ont tous été consignés sur des bribes de quelques secondes à quelques minutes dans des plans serrés ou larges, à l’épaule ou fixes. On y voit l’espoir en marche, le chaos, la victoire et l’essai d’organisation d’un nouveau pouvoir, le procès et la mort du dictateur.
Le film dure presque deux heures de tumulte, de moments en creux, de folie douce, de violence difficilement contenue, de recherche de construction dans des échanges continuels, de mélange d’anciens devenus dissidents et de nouveaux qui n’ont rien à voir avec la politique mais la nourrissent parce qu’ils ont détourné la censure.
Et puis la fin, cet homme en pleur qui accuse ceux qui ont voulu séparer les hommes, qui ont suscité la jalousie sur des misères, qui pleure la haine, le soupçon, qui comprend à l’instant l’impasse où tous se sont fourvoyés.
Sa vie à l’œuvre qui déborde.

à propos de Vidéogramme d'une révolution. 1992. H. Farocki et A. Ujica .

mardi 1 mai 2012

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Un couple de pigeons erre comme âme en peine depuis quelques jours de part et d’autre de l’immeuble. Ils s’accrochent au rebord de la fenêtre sur cour, la seule sans épines de fer. Ils me regardent les observer de l’intérieur, tranquilles car inabordables.
Cet après-midi, ils sont dans l’arbre de la rue et je me souviens du nid qui les attendait chaque printemps et qui a été détruit cet hiver. Ils sont désorientés, et malgré tout semblent attendre qu’il réapparaisse dans les feuillages à l’instant.

lundi 30 avril 2012

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La pensée retombe.
Le chagrin déborde.
La litanie rattrape.
Le luxe navigue.
Le bien-fondé ajuste.
La prunelle brune.
Le piano absent.
L’ennui en surface.
Le grenier vide.
Le départ pas fixé.
Le suspens.

dimanche 29 avril 2012

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Il pleut sur le lit. Il dort encore. La bâtisse s’allonge jusqu’au bord de la falaise. Le jardin est tombé dans les flots. Il n’a pas peur. Il n’a pas froid, il s’est enroulé dans une bâche. Il ouvre les yeux, cherche la fuite. Il entend un cargo annoncé son départ. Il est posté tout en haut dans la cabine immense. Il voit le ciel noir au loin. Il n’a pas le choix, l’escale a déjà été trop longue. Il verra selon.

samedi 28 avril 2012

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La gène dans les visages quand ils sont au plus près juste avant le premier baiser, celui qu’on ne sait pas encore comment amorcer sans tomber à côté, sans un quiproquos humiliant, sans défaillir. On regarde le temps qui nous sépare avant le basculement, des secondes de profonde tendresse, d’humilité, d’attention extrême. L’autre avant qu’il ne soit englouti.

vendredi 27 avril 2012

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Une île de jardins et de roches. Une île du sud et du nord. Une île de silence et de plaintes éloignées. Une île de chemins et de routes qui se perdent. Une île de taiseux. Une île de vacances et d’hiver. Une île que l’on quitte le cœur lourd. Une île d’enfermement et de fuites. Une île d’aventure et de mystère. Une île de la nature incarnée et de la civilisation vaincue. Une île de protection et d’audace. Une île pour moi et pour les autres aussi.

mercredi 25 avril 2012

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un temps certain rebroussé dans le creux du fossé
un temps à arpenter sans fin les alarmes
un temps de lièvre rattrapé par l'effet de surprise
un temps de retrouvailles perturbé par la gangrène
un temps d'absence, de fuite, de vagissements
un temps harmonieux de félicité empêchée par des hoquets
un temps de grâce, de plénitude, de vacheries aussi
un temps lieu où se réfugie mon âme.

lundi 23 avril 2012

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Elle est entrée. Le couloir était obscur. Les pièces sur rues immenses, les murs sales, les fenêtres très belles ne s'ouvraient pas. On entendait à peine les va-et-vient du tramway en face.
Les chambres donnaient sur cour. On avait bricolé un drôle de corridor pour éviter d'en traverser une pour rejoindre l'autre, à la petite semaine.
Il était vide. Il y vivait une famille à même le sol. Près d'un matelas jonchaient deux jouets.

vendredi 20 avril 2012

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cette rengaine qu'elle lui chantait au creux du soir
cette vision si large qu'elle s'y perdait
cette brume tenace qui voyageait dans ses rêves
cette lenteur du chien assis à ses côtés
cette manie de tout décrire même ce qu'il ne pouvait apercevoir
cette variété de fruits qu'elle aurait voulu toute
cette vache qui refusait tous les soirs de rejoindre l'enclos
cette attache au pays de la fin de ses jours
cette nuit blanche qui se répétait et il s'habituait à ne plus la redouter
cette vacance, ce déni, cette turbulence, ce don.

jeudi 19 avril 2012

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Arrêt du vaisselier, charge dépassée, mis à la norme, remplacement imminent, mis au placard.
Alternance, changement délicat, vaisselle sous pression, "niquel", langueur, interruption.
Arrachage des conduits, progression constante de la pertinence, mis en route alternée. 
Remplacement.

mercredi 18 avril 2012

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Elle n’en mène pas large. Elle se figure qu’elle va tenir. Elle jette un regard effrayé, animal. Elle est pas fine, elle perd. Elle recule. Elle tombe.
Je l’observe dans sa chute. Elle se débat, les yeux révulsés par la peur. Je scrute l’horizon, je m’éteins. J’ai sauté juste après.

mardi 17 avril 2012

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C’est une longue courbe. La route est défoncée, des ornières qu’on ne sait plus comment éviter avant de faire marche arrière. Les ibis prédateurs d’autres espèces survolent le marais battu par la tempête. Une homme grand marche sur notre route, la clef de sa voiture pointée vers l’extérieur dépasse de sa paume. Marcher encore quelques centaines de mètres. Ne pas oublier les courses au retour. Le désoeuvrement.

lundi 16 avril 2012

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Il m’accorde juste le temps de fermer ses paupières. Il attend ce qui doit arriver bientôt, dans quelques minutes, il ne sait pas bien. Il est tranquille, relâché. Il observe ma bouche qui marmonne des bêtises, mes yeux qui essaient de rire, mes doigts qui s’agitent dans ses cheveux. Il est doux. Il me fait signe d’un au revoir et me dit : maintenant !

dimanche 15 avril 2012

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C’est un peintre. Il dessine des petits formats, des intérieurs très détaillés où s’incrustent des personnes totems dans les murs, souvent. Des hommes, femmes qui nous regardent les regarder.
Des bâtisses elles aussi réduites à une forme simple qui scinde le paysage plat autour. Quelques arbres.
Il est du siècle passé, mort dans les années 70, exposé un peu. On imagine un exercice utile comme le ferait un muet, en dessin et non en mot. Traduire le monde où nous sommes, dehors et dans la tête.

à propos de James Castle.

vendredi 6 avril 2012

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Minuit au sol
Ratiboisé les enchevêtrements
J’vais crever
Narquois il me déchiffre
Jamais seule
Marchons un peu
Manipulation fétide
Pourrie sa vie
Mal
Mauvaise planque
Château lointain ouvert transpercé
Ravie de sa mine
Bille tu tues
Plane au vent.


je m'absente une semaine.

jeudi 5 avril 2012

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Ce sont des garçons et des filles. Ils ont quinze, seize ans. Ensemble, c’est tout.

mercredi 4 avril 2012

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Ils sont vingt, un peu plus un peu moins. Ils se connaissent depuis le collège, l’école aussi pour deux, trois. Ils se retrouvent dans la cour, au self, aux fêtes, dans les rues, sur le parking. Ils marchent ensemble, en petits groupes, détachés, agglomérés. Ils rient, s’esclaffent doucement, ils regardent, se regardent aussi lentement. Certains se détachent au fur et à mesure de la progression dans une autre rue, dans une autre ville. C’est assez rare. 
Les dehors les jalousent un peu ou s’en moquent. Une force fraternelle.

lundi 2 avril 2012

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la rivière gonflée et noire
le calice plein d'orgeat
les lèvres brillantes de sucs
la nappe rouge tombée sur le côté.

dimanche 1 avril 2012

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Perpétuellement en attente rattraper les emprunts renâcler à saisir varier les confusions mentales choisir le labeur gifler le va-et-vient des doutes asseoir sa peur tranquille s’allonger dans l’eau grise entendre la brise haché par les épines jouir du repos sensible dormir sur le fil entendre et insérer dans le sommeil léger.

samedi 31 mars 2012

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Errer dans le vent
Seconder le temps
Ramener à la vacuité
Vendre son rapport à l’autre
Chercher la nature en surface
Vaquer et tendre
Nager plus loin encore
Rapporter la vague
Naître.

vendredi 30 mars 2012

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Elle l’a attendu pour lui dire qu’elle allait s’occuper de cette histoire. Il l’a regardé, interdit. Il s’est fâché après. Il lui a dit de ne pas se mêler de ses affaires. Elle a souri, ça l’arrangeait. Elle n’y croyait pas elle-même, en définitive. Elle voulait juste proposer son aide.
Ils sont partis ensemble. Ils ont parlé d’autre chose. Il va se débrouiller. Elle pense à autre chose.

jeudi 29 mars 2012

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Ils s'arrêtèrent au bord de la route. il sortit une cigarette. elle le prit en photo, accoudé à la portière.
Ils continuèrent jusqu'au soir.
Ils avisèrent un restaurant installé en terrasse dans les vignes. Ils furent les seuls convives autour d'un verre et d'un plat froid. Ils regardaient tomber la nuit, le sourire aux lèvres.
Désirer partir rien que pour entendre, savourer une langue particulière, une atmosphère précise.
Tout ne devra être qu'insouciance alors!

mercredi 28 mars 2012

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Il se fait un grand silence autour d’eux. Ils regardent ailleurs, tentent de penser ailleurs. Ils cheminent mentalement sur des horizons plus vastes, extraordinaires. Ils cherchent. Retournent dans leurs têtes toutes les possibilités et encore plus. Ils ne renoncent pas, préfèrent rester bêtes, là dans le vague, dans l’attente qu’il se produise. Ils assoient leur tranquillité vaine pour se rendre le courage qu’il manque justement maintenant. Ils regrettent de ne pas redevenir ce qu’ils étaient longtemps avant, plus ou moins consciemment. Ils grattent leurs mémoires, arrondissent les arêtes de leurs crânes. Vaquent à leurs sortilèges, usent l’accomplissement de ce qui se fera malgré tout, malgré eux.

lundi 26 mars 2012

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il a pleuré toute la nuit
de rage
il est épuisé
il attend en silence depuis
il me regarde courroucé
il fait la tête
il se laisse sortir du lit comme un corps mort
je le chatouille
il se force à ne pas rire
mais il mange quand même.

dimanche 25 mars 2012

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Elle, lui, rien, ni personne.
Un crocodile de cartons et de perles, inoffensif.
Ne sert à rien, sert juste à jeter loin devant pour s'en rappeler plus tard
Six pas après, plusieurs images-pensées entre.

samedi 24 mars 2012

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brouhaha de voix
chemin creux mer étale
fendre comme une lame
piscine verte

vendredi 23 mars 2012

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Il ne cesse de peser le pour et le contre, fonce et recule, me tape dans la tête, me demande toujours et encore des sacrifices. J’épuise mes forces à encaisser encore, envisage la délivrance dans le fossé mais libre.

jeudi 22 mars 2012

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Il  a acheté sa figurine hier matin, il a longtemps hésité. Il lui a fait porter des frites au bout de ses bras costauds pendant le déjeuner. Lui-même avait très faim, il a eu un peu mal au ventre le soir. Il n’a rien mangé avant de se coucher. Il l’avait mis dans sa poche l’après-midi avant le cours de dessin, sans doute encore pendant la partie de foot improvisée avec ses copains d’immeuble. Il est rentré, s’est jeté sur l’ordinateur et a joué longtemps. Puis, il s’est rappelé de sa figurine. Il a retourné ses poches de blouson, de pantalon. Il a été dans toutes les pièces, rien. Il s’est dit, je l’ai perdu. Il y a pensé encore un peu, ça l’énervait. Puis, il a oublié.
Le matin, il est parti à l’école. Sa maman au retour a trouvé la figurine au milieu du couloir de l’entrée. Elle l’a pris de suite très surprise. Elle est montée chez eux et l’a installée au sommet du petit phare face à l’entrée. Il sera content en rentrant de l’école. Elle ne lui dira rien, bien sûr.

mercredi 21 mars 2012

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Rapidement, elle écarta la chemise et laissa pendre son bras. Elle déchira la liane autour de sa robe et ajusta une mèche sur son front. Elle regarda ailleurs un court instant et s’installa sur la chaussée. Elle scruta la route et ne vit rien venir. Elle chantonna longtemps un air qui venant de loin ne lui rappelait rien de précis. Elle ressentit la chaleur qui s’estompait peu à peu avec la fin du jour. Elle s’allongea quelques minutes et se releva tout aussi étrangement. Elle prit son sac et disparut au bout de l’horizon.

samedi 17 mars 2012

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Ils marchent tous les trois au bord de la rivière, en contrebas de la route. Il est presque dix heures du matin. Ils tiennent chacun une bouteille d’alcool. Un des trois est à terre. Il n’arrive pas à se relever tout seul. Ils voient arriver le cycliste. Ils empoignent leur camarade qui se marre. Il est debout, vacille mais tient bon. Le cycliste arrivé à leur hauteur ralentit et leur lance une remarque gentille. Le plus atteint rétorque mais inutilement. Le groupe reprend sa route; une fille et deux garçons les yeux rouges et hagards. C’est le matin, il se met à pleuvoir quelques minutes après.

vendredi 16 mars 2012

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On est bien ici. C’est calme, le canal, le vert autour, les enfants qui courent. Les voitures ne vont pas vite. C’est presque monotone. On devrait le faire en vélo. Tiens, regarde, il y a justement un loueur. On jette un coup d’œil ? C’est un peu cher à quatre. La prochaine fois, on emmènera les nôtres. Enfin, faudrait une galerie sur la voiture, les harnacher correctement. Trop compliqué. Finalement, c’est bien de marcher aussi et puis après on ira voir la mer. On est tout près. Elle est un peu comme ici, tranquille, loin derrière le sable à cette heure. On prendra le ballon, ils joueront au foot. Il est tard, on ne gênera personne. Et puis, on se baignera. Il fait nuit tard maintenant.

jeudi 15 mars 2012

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S'enfermer dans un mot,
retourner plus loin,
en avant en arrière,
jamais plus loin.

mercredi 14 mars 2012

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quelques uns subsistent au fond du trou, le regard dirigé vers le noir, le visage tourné vers le blanc
aveugles mais pas sourds aux palpitations, sensibles aux halètements des vivants parmi eux
des réconciliations plus tardives puisqu'il faut s'entendre pour survivre.

mardi 13 mars 2012

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La Loire est la mer,
Les vagues, la force des fonds, sur les berges,
Le bruit des vents d’est qui chasse le courant du littoral,
Les oiseaux éloignés par la marée haute
Les cormorans seuls sur la surface et en dessous
La Loire vivante qui combat la mer.

samedi 10 mars 2012

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C’est un coelacanthe, échoué sur le mur de la salle de vidéo. Il est arrêté dans le mouvement, probablement perdu dans ce vide blanc, interrompu dans l’angle du mur. Le regard vaguement apeuré par les visiteurs qui ne le remarquent pas sauf moi. Je m’approche, le prends en photo sous toutes les coutures. Il m’observe immobile, patiente.
Il me détaille l’œil fixe tout près de la paroi de verre. On ne peut pas s’atteindre, son aquarium est trop petit, il a juste le droit de se retourner sur lui-même, enfin, je suppose. Je n’ai jamais pu vérifier. On est là, idiots, à se contempler mollement, sans gêne. Je pose ma main sur le mur, je caresse sa tête froide, quelques aspérités. Il se laisse faire. Il attend que je parte mais il se laisse faire.

vendredi 9 mars 2012

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Mélodie à l'envers,
puis il part,
se retranche à nouveau,
se remplit de force.

mercredi 7 mars 2012

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il n'y a pas de morts-vivants, de prisonniers d'une fatalité qu'ils ne fabriquent comme un mur autour d'eux.
il n'y a pas de peine qu'on ne puisse transformer en force.
il n'y a pas d'absence d'espoir, mais construire toujours et encore.
juste le courage au jour le jour de ne pas être lâche.

mardi 6 mars 2012

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J’habite une très grande maison mais ce que je préfère, c’est le grenier.
Il est vaste et surtout, on peut y vivre plein d’expériences particulières.

Quand il fait beau et que le soleil est de la partie, le toit s’ouvre par le milieu comme la corolle d’une fleur, le plancher s’élève et devient terrasse.
Je regarde alors les alentours et prends parfois des bains de soleil.

Quand il pleut, le toit devient transparent et les gouttes me foncent dessus comme des milliers de projectiles. Je n’ai pas peur puisqu’ils s’écrasent sur le verre.
Après tout devient flou. Je ne vois plus que des taches grises, bleues et blanches.

Quand je veux qu’il fasse tout noir, je referme le toit, les fenêtres. Le grenier devient sombre et je joue au jeu de me rappeler ce qu’il y avait dans la pièce. Je fais l’aveugle à quatre pattes.

Mais, peu à peu, les trous dans le plancher, les murs laissent passer des faisceaux de lumière et c’est comme si je découvrais l’espace intersidéral.

lundi 5 mars 2012

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Il arpente les rues d’Oslo. Ce matin, il a essayé de se noyer sans y parvenir. Il étouffait. Le corps a repris ses droits. Après, il a discuté longuement avec son ancien meilleur ami, de la vie, de leurs désillusions. Il a été à un entretien professionnel, il attendait qu’on le piège et comme le moment ne venait pas assez vite, il s’est piégé lui-même. Ensuite, il a croisé d’autres relations qui le regardaient avec effroi sauf un. Il a acheté une dose, elle est dans sa poche, ça le rassure. Il a traîné avec une ancienne connaissance et ses deux copines. Il serait presque tombé amoureux mais  il n’en a pas envie. Au petit matin, il a retrouvé la maison familiale vide. Il s’est mis au piano avec dextérité : il a retrouvé la vie d’avant. Puis il a accroché sur une note, il a repris puis sur un accord. Il s’est interrompu, est allé dans une chambre et est mort là, la seringue encore dans le bras.
Demain, il fait jour.

à propos d'"Oslo, 31 août".

dimanche 4 mars 2012

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Le chacal suivait le groupe à distance. Il guettait l’instant propice. Un d’eux prenait des photos du paysage tandis que son acolyte marmonnait des jurons. Le dernier traînait et se retournait brusquement pour chasser l’animal. Celui-ci s’était laissé avoir deux ou trois fois puis ne bronchait plus, se contentant de le fixer longuement tout en ralentissant le rythme.
Une mascotte en quelque sorte qui disparaissait puis se replaçait tout aussi soudainement dans votre ombre. Par habitude, le groupe s’efforçait d’avancer l’heure du départ. Mais le chacal était malin et retrouvait vite leurs traces. Quand ils arrivèrent à l’orée de la ville, il partit en sens inverse. Ils crurent à une ruse mais il ne réapparut pas le lendemain, ni les jours suivants. Ils se firent à l’idée.

samedi 3 mars 2012

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Il croit qu’il va se lever fatiguer. Il change de côté pour gagner quelques minutes. Il écoute les bruits dehors qui l’empêchent de retrouver le sommeil. Il peste contre ses insomnies qui l’obligent à faire des siestes vers sept heures du soir, du vin qui l’éteint après le repas, de sa vie lente et ennuyeuse. De cette régularité qui ne mène à rien, à la mort qui arrêtera la monotonie. Il cherche l’odeur fraîche du matin, il ouvre la fenêtre. Le brouillard cache le fleuve plus bas mais il sent les relents marins. Il inhale longtemps ce parfum, un sourire se dessine peu à peu sur son visage creusé.

jeudi 1 mars 2012

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Ils ont renoncé avant-hier à tailler la haie, l’odeur était si forte avec la chaleur de la fin du jour. Ils sont restés là, contemplatifs. Ils ont ramassé les outils, partagé quelques mots, reculant le départ.
Le square fermé la nuit concentrait l’odeur plus acide encore. Les portes-fenêtres ouvertes jusqu’à la fraîcheur matinale.
Ils sont revenus hier et se sont attaqués aux herbes longues et jaunes. Elles sont toutes ratiboisées. On a peine à les imaginer  dans quelques semaines.
L’air embaumait encore.
Ce matin, il a bien fallu s’y mettre. Ils ont compensé en plantant de jeunes rameaux qui exhalent jeunes leur parfum à condition de s’approcher au plus près.

mercredi 29 février 2012

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c'est un repli sourd qui déjoue la cadence
c'est une frange brossée, lissée à devenir plate
c'est un vrai souci de celui qui vous casse la journée
c'est une patience ennuyée qui cherche à fuir
c'est une porte rouge et bleutée qui ne se ferme plus
c'est un amas de pierre qui s'ébranle sous nos pieds
c'est une montagne de sable qui m'aspire et me noie.

mardi 28 février 2012

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Elle les a perdus il y a longtemps, quelques années, presqu'en même temps, à quelques heures d'intervalle. Pour le premier, elle a accepté mais pour l'autre quand ils avaient avoué leur impuissance, elle était tombée d'un coup, sur le sol dur. Elle était seule alors, dans une salle. Parce qu'elle ne s'était pas rendu compte tout de suite, trop hébétée. Ils l'avaient trouvée là, l'avaient traînée jusqu'à la chaise, tapoté ses joues.

Ils ont été enterrés à deux jours d'intervalle. Elle voulait dormir avec eux même s'ils puaient, que leurs peaux étaient froides, bleues. On lui avait pris le premier puis l'autre. Ensuite, plus rien, plus une pensée.

Un jour, une femme qui l'a croisait dans la rue, s'est arrêtée à sa hauteur et lui a pris le bras, l'a entraîné.

Elle s'est laissé faire, elle n'avait rien d'urgent. Elle était juste étonnée, en attente. La femme l'a emmené dans un parc après le bus, s'est couchée sur l'herbe et lui a montré de faire pareil, tout contre elle. Elles sont restées à regarder le ciel puis elle s'est levée. Elle avait froid. Elle est partie. 

L'autre est restée plus longtemps. C'est pour ça que la trace est resté incrustée...

lundi 27 février 2012

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Elle montait les marches, s’interrompant pour reprendre son souffle. Elle voulait parvenir au bout malgré le vertige, l’épuisement. Ils la pressaient derrière, involontairement par leur rythme soutenu et rapide, il fallait bien le reconnaître. Elle s’en fichait, mais ne contemplait pas le paysage quand même. Elle se disait que c’était bien aussi déjà d’aller jusque-là, qu’elle ne parviendrait pas au sommet. Dommage, ça devait être joli à la mine de ceux qui entreprenaient la descente. On pouvait à peine se croiser. Il y avait les jeunes qui doublaient, parfois même se poursuivaient et vous bousculaient au passage. Ça lui donnait l’occasion de s’arrêter encore. Et de les laisser passer les autres, les polis. Elle ralentissait tout le monde.
Deux hommes sont sortis du lot, ont croisé leurs bras et l’ont invité à s’asseoir. Elle s’est mise à rire doucement, les a embrassés et a obtempéré. Son visage s’est apaisé, ses yeux se sont alors repu de toutes sortes de détails et son corps de la force des hommes.

dimanche 26 février 2012

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jusqu'à retrouver un sens un peu cohérent dans toute cette mélasse
finir par dire qu'il ne peut rien y faire
qu'il nierait tout intérêt à laisser aller le plus loin possible surtout
et ne jamais revenir
se faire oublier définitivement.

dimanche 19 février 2012

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c'est comme un conte de fée, une ou plusieurs, on s'attend à ce qu'elles surgissent de nulle part ailleurs. on scrute l'eau noire qui passe rapidement avec les crues d'hiver, l'île fermée aux accès du pont mais pas des rives. ils y vivent sous des cartons, des tissus jetés sur eux.
c'est un peu solennel, effrayant, on attend. la circulation suit son cours, les passants vous lancent des signes discrets. tout fait sens. et puis, on lève les yeux vers le ciel et on voit tous ces points de couleurs, pas des étoiles, sûrement. on attend dans le vent glacé. on attend.


je pars et je reviens dimanche 26.