samedi 31 décembre 2011

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Il s'est rendu ce soir vers l'eau noire. Il a regardé la jetée, les lampadaires, le carrousel au bout, les couleurs surtout. Et il a vu en repartant la petite cabane à gauche.
Il avait presque atteint le bout vers le néant, il a fait demi-tour. Il s'est dit que c'était un bon coin pour attendre.
Il n'y avait personne, la mer elle-même ne faisait aucun clapotis. Il s'est assis, adossé à la cloison de bois.
Il est resté une heure, il s'est même légèrement assoupi.

Puis, les lumières se sont éteintes sauf une qui clignotait en émettant un bourdonnement par intermittence.
Il s'est dit qu'il pourrait y passer la nuit, il ne faisait pas froid.
C'est à ce moment précis qu'il a senti venu de nulle part une fourrure chaude et humide qui lui passait sur le joue. Le chien s'est assis contre lui et a posé son museau sur son pied craintivement puis complètement.

Il a posé à son tour sa main sur la tête de l'animal. Il a décidé de ne plus penser à rien.

vendredi 30 décembre 2011

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Ce pour quoi il faut patienter,
Ce qui n'attire pas la vue ni l'ouie,
Plutôt l'instinct qu'il va se produire quelque chose.

mercredi 28 décembre 2011

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J’irai seule sur la route, je trouverai une pitance pour les miens, je secourrai les plus faibles, je leur confectionnerai un traîneau de branchages que j’arrimerai à mes hanches, je les ramènerai chez nous à la force des bras dans cette hutte isolée, à l’abri, je ferai du feu, ferai cuire la nourriture, j’irai puiser de l’eau à la source souterraine, cachée par les feuilles, j’attendrai la nuit pour chasser les bêtes endormies, j’écouterai le vent dans les arbres, je monterai à leurs cimes et j’entreprendrai la marche, enfin légère comme l’air. 
Et j'irai loin.

lundi 26 décembre 2011

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La rivière grande comme la mer, limoneuse.
Le corps large
L’attitude concentrée sur la ligne
Touchée en pleine tête pour longtemps.

dimanche 25 décembre 2011

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Trois hommes, une femme, un enfant, un couple de vieux. Debouts, dans la neige, crient des mots interdits. Ils marchent, quelques autres les regardent avec envie, effarement, les voient s'éloigner, réfléchissent une fraction de secondes, évaluent le danger: tout perdre...
Certains se ravisent, amorcent un pas, les suivants s'enchaînent tout seul. Ils accompagnent le groupe à distance. D'autres arrivent, des curieux qui les regardent à leur tour. Maintenant, ils ne peuvent plus faire marche arrière. Ils se rapprochent des premiers qui les ont remarqués en se retournant, il y a deux minutes. Ils ont ralenti leur marche pour qu'ils les rejoignent.
Personne ne sourit. Ils sont fiers, leurs voix prennent de l'ampleur.
Ils sont sur la place.

vendredi 23 décembre 2011

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Évoquer, retourner dans tous les sens, affirmer puis suspendre, échouer à traduire ce qu’il y a là, au fond. Ce que même soi ignore. Jouer longtemps, toujours puis s’effondrer encore, toujours sans fin. 
Enfin se réjouir d’un rien, rire, oser aller loin. Penser pour eux, faire exprès, casser leurs jouets, écraser leur éternelle patience, aboutir à quoi. Ignorer, partir près.

jeudi 22 décembre 2011

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Je voudrais t'écrire des mots qui n'ont aucun sens,
dessiner sur des feuilles qui se déchirent,
prendre des décisions qui s'envolent à force d'être dérisoires,
adopter des mouvements qui trébuchent sur un corps apaisé.

mercredi 21 décembre 2011

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C’est une maison face à une mer qu’on ne voit pas. La plage est en contrebas séparée par un chemin de promenade souvent fréquenté même en hiver.
Des chambres, on ne voit pas non plus la mer, empêché par des vasistas. On ne perçoit que son grondement sourd plus ou moins proche selon les marées.
Les pièces du rez-de-chaussée sont vastes, un peu froides et visibles de l’extérieur.
Le jardin entoure la maison, il y a de quoi s’asseoir dehors. Un ou deux pins, de la pelouse.

Les maisons voisines sont proches mais souvent inhabitées. Une dizaine au plus clôt le sentier qui se fait plus sauvage après. On croise alors des cyclistes parfois téméraires sur ce tracé détrempé. Il y a aussi une crique réservée aux planches avec un hangar attenant. Après apparaissent des rochers puis de petites falaises. Le sable devient immaculé jusqu’à la pointe est. 
Vers l’ouest, c’est le chaos, tout se mélange dans une brume quasi permanente. Le vent contraire abîme la vision qui se fait plus parcellaire, les routes s’égarent, les maisons s’emmêlent les une aux autres jusqu’à se recroqueviller entre elles dans le village de pêcheurs qui surplombe l’océan.

On termine souvent sur la rive intérieure de la presqu’île comme une autre possibilité silencieuse, lumineuse. On regarde vers l’infini des terres, le ciel qui s’obscurcit, les dernières rumeurs sans qu’on distingue leurs natures. Le paysage disparaît peu à peu, les couleurs, les formes s’imbriquent.

J’interromps la marche. Je m’allonge, serre mon vieil imper autour de ma taille et me coule dans ce creux du temps.

mardi 20 décembre 2011

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Accompagner les enfants tous les matins. Parler sur le chemin du passé et de l'avenir dans des détails qui fabriquent leur réalité commune. Rire la plupart du temps, rarement gronder, profiter de ce temps en mouvement où il n'y a plus qu'à aller jusqu'au point final. Profiter des huit minutes de pensée libre (blagues, surprises, incongruités que l'oeil ici et dans la tête observe avec). Déposer les petits déjà rendus loin de soi, contacts déjà noués sur l'ailleurs de leurs journées. Se retrouver seule, vide jusqu'à les reprendre le soir énervés du jour, affamés d'attention exclusive, de baisers parfois, d'aide et se retrancher derrière un mur transparent, une vitre. Les bercer avant qu'ils basculent dans un sommeil lourd jusqu'à de nouvelles conquêtes.

lundi 19 décembre 2011

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Le parc est presque désert. C'est février, il ne fait pas froid, beau, le soleil se couche doucement. Il ne veut pas nous quitter. Écouter encore ces confidences ou l'autre n'est plus que soi. Sans interruption, des acquiescements, et puis le regard qui se voile jusqu'à vous pénétrer totalement. Il n'y a plus de dangers, tout est dit, nos petites lâchetés, nos espoirs glorieux et nos peines forcément passées. Il n'y a plus que de l'apaisement quand je me regarde dans ces yeux-là. Je lui dis ce que je tais à tous.

samedi 17 décembre 2011

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Il ne comprend rien, elle suspend ses phrases, nous attendons sans cesse, je tape sur son dos, vous accentuez la fin des syllabes, tu appuies sur mes yeux, ils arrêtent le temps, elles hurlent.

vendredi 16 décembre 2011

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Jours gris paralysant donner à faire reconnaître un nom une adresse sourire d’une correction automatique. Ne contrôler qu’une parcelle de souffrance savoir écouter puis reprendre lassablement jusqu’à retrouver un sens un peu cohérent dans toute cette mélasse. Finir par dire qu’il n’y peut rien faire qu’il aurait tout intérêt à laisser aller le plus loin possible surtout et ne jamais revenir, se faire oublier définitivement. Avec un peu de chance, il n’ira pas les chercher. Il rentrera juste avant.

jeudi 15 décembre 2011

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Il marche sur le trottoir, bien au milieu, vite. À chaque intersection, il jette un regard apeuré de chaque côté. Il fait encore nuit. Il attend de croiser le regard de l’automobiliste avant de traverser comme on le lui a appris. On lui a dit aussi de ne plus courir sur ce trottoir, trop dangereux à cause des voitures qui sortent des parkings.
Il guette un copain sur le chemin. Alors, il ralentit et fait un grand sourire. Ils parlent de tout ce qui les sépare, ils ne sont plus dans la même classe. Il plane une étrange gêne. Ils entendent la sonnerie de l’école. Ils ne sont plus qu’à quelques mètres, ils ralentissent imperceptiblement. Ils parlent de ce qui leur tient le plus à cœur dans ces dernières secondes.
Quant ils franchiront la porte, ils sont happés par les autres, séparés.

mercredi 14 décembre 2011

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L'arrachée élevée dans une bassine de corn-flakes caramélisant le bord de l'étouffe. Dominant d'un trait une figure un regard circulaire condescendant le long du corps brûlure contendante attendant une larme qui s'efface, coule, revient sur elle-même se love sur lui retombe despotique efficace nuancée incomprétudepléhensible. Une écharde précisément distique dans une pliure indescriptible une émotion reproduite puis recréée puis provoquée puis imaginée puis éteinte à force une censure apprise, désintégrée plaquée à connaître transcéder sinon l'erreur expiée, réaffirmée sans trace indûment comme une victoire sur la cachette, ne pas suivre le condamné. Un croissant de lune noire sur blanche des traits sinueux cachant l'ombre l'obscur le non le rien. Ne rien livrer délivrer surprendre taire et laisser taire.

mardi 13 décembre 2011

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Elle rentre tous les soirs vers 17 heures. Elle pose ses affaires sur le canapé, accroche son manteau au cintre, jette ses chaussures sur le sol près de la bibliothèque. Elle pleure. Elle va vers la cuisine. Elle ouvre le frigo pour décider du repas du soir. Elle s'essuie vivement les yeux, elle ne doit y voir que goutte. Elle s'écroule sur une chaise face à la fenêtre et regarde dehors, le mouvement des lumières sur l'asphalte mouillé. Elle semble enfouie.
Il arrive souvent dans ces moments-là. Il pose son sac de course sur la table et se découvre. Il met son manteau en équilibre instable sur le fauteuil. Il garde ses chaussures. Il laisse les lumières éteintes.
Elle se lève, il la prend dans ses bras, longtemps.

lundi 12 décembre 2011

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Toujours sur la lame, jamais détendue. Elle s'ennuie. Tout décider pour elle. Elle marche tout le temps dans tous les sens. Elle attrape un objet, le déplace, le range et en cherche un autre. Toute la journée. Elle tombe régulièrement épuisée, s’allonge sur son lit ou s’asseoit dans un sofa. Attends. Des minutes, une demi-heure au plus. 
Dehors, elle marche aussi mais plus sereine comme si elle se reconnectait aux autres.
Dehors, elle fait partie des autres. 
Dedans, elle est seule animée parmi de l’immobile.


dimanche 11 décembre 2011

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Poursuivre l'inventaire. Cesser d'apprendre. Retenir encore une larve. Voyager toujours. Luire de l'intérieur. Apprivoiser les siens. Regarder de travers ce qui perd sa dureté.

Retrouver le repère, celui qui marque les débuts. Renouveler les places. Plus d'images. Se rappeler les gestes qui vous lient instantanément. Comme des riens.

vendredi 9 décembre 2011

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La nuit est tombée. Une table est dressée, le repas à moitié terminé. Les filles sont assises et conversent tranquillement. Les garçons vont et viennent, ils sont d’astreinte. Quelques bougies donnent une lumière assez inconfortable : on ne distingue pas toujours clairement les convives. L’atmosphère est paisible.
Max se lève et revient avec son ordinateur. Il balaie d’une main un espace minimum sur la table et l’allume. Tous attendent dans le silence.
Ils visionnent le film dont on ne distingue que le son. Les mines perdent leur insouciance, se concentrent.
A la fin du film, chacun prend son couvert et rentre dans la longère.
Ils ne ressortent pas. Restent sur le table,  le vin, les bougies qui finissent de se consumer. Cinq secondes de noir.

jeudi 8 décembre 2011

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Le vieil homme la regardait écrire, fixer la fenêtre, le vide noir interrompu par quelques éclairs jaunes.
Le train gardait le même rythme lent, insupportable.
Elle s'en accommodait. Éconduite et transformée, épuisée, nonchalante.
Puis, elle parla au vieil homme.

mardi 6 décembre 2011

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Rage éventrée,
Regards détournés
Peur de soi avant celle de l’autre.
Jamais absoudre toujours en vouloir
Jusqu’à la mauvaise foi pour meubler les silences.
Combler les vides, jalonner les absences.
S’écarter de la route, s’enliser dans les ornières. Immobilisé. Ne plus bouger. Attendre. Longtemps. Passivement.
Sommeiller debout. Ecouter les froissements du vent, les chuintements des feuilles. Sentir la poussière envelopper le corps. Ne pas émettre de mouvements.
Glisser la tête le long du torse. Pencher sur le côté, couler dans la terre molle.
Reposer dans les bras, s’endormir pour de bon.

lundi 5 décembre 2011

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Perversité, mettre du froid là où tout est tiède.
Surprendre par son sang-froid et être plus terrible encore lorsqu’on achève.
Ne rien regretter sinon la naïveté de cet autre qui vous fait face.
Il m’en croit incapable. Il va voir…
À d’autres moments, s’étendre complètement, suffisamment enfoncé. Le corps lourd.
Fermer les paupières et partir avec l’anesthésie. Perdre les rênes, basculer dans le blanc.
Retrouver un abandon qui remonte à loin, impossible à dater.

dimanche 4 décembre 2011

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C’est un lieu au bord d’une falaise. Un sémaphore racheté par un homme vieux, assis devant quand il fait beau, face à la terre. Le bâtiment est à peine réaménagé en habitation. Il est paisible battu par les vents. L’homme est heureux et accueillant quand il vous voit venir du bout du chemin et loquace. Un sentier descend en pente raide sur la plage étroite. Le sable recouvre des milliers de crabes. On les sent sous la plante des pieds quand la vague vous recouvre à mi-jambes. Ils vous chatouillent plus qu’ils ne pincent mais cela suffit à vous faire déguerpir ou à vous lancer plus loin vers le large.
Vous habiteriez bien ici avec le vieil homme.

samedi 3 décembre 2011

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L'homme se laisse tomber sur la femme, se retenant à sa chemise. Elle le repousse, son décolleté s'est agrandi. Il recommence, même jeu, ils éclatent de rire.
Drap sur le théâtre.
Un homme hagard qui se tient le cou des deux mains, et le retourne à chaque station, oriente son regard sur un couple assis, derrière lui. Quatre personnes âgées l'observent, les femmes l'air hautain, les hommes amusés ou moqueurs.
Une lune pleine croisée de nuages rouges.
Une jeune fille suspend sa marche d'une seconde au moins, d'un point trépidant de sensualité.

vendredi 2 décembre 2011

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Par terre adulée retournée ventre contre terre  absorbée  retirée de la surface de la terre
Vêtue d’armes claires  validée sans fond  racornie sur la tête  vide  surface attenante
Bajoue clairsemée d’épingles  vacances ajournées  pleurs  étouffement  rassise sur le banc
Le regard en coin  les cils coupés la frange ratée la ligne de terre enfin  jamais
Les personnes sur le jaune  de plus en plus faibles  au loin déjà  dans ses pensées  un rien
Sa vanité  la colline pelée d’ocre  rainures imperceptibles à l’œil  caresse venteuse
Jumelles rejetant de l’herbe  enfant disparu et retrouvé  bienheureux banc d’éperlans
Lisière sombre  ciel bas  façades closes au long du jour.

jeudi 1 décembre 2011

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Il y a des mots qui glissent sur les lignes, des échappées de larmes qui creusent les rides, des regards qui se meurent tout doucement.
Pourquoi dire-rechercher. Garder pour oublier, désapprendre et ensevelir.